« L’agriculture est mieux qu’une arme de guerre »
Au congrés de la FNSEA, l'expert en géopolitique, Pascal Boniface, pointe l'importance stratégique de l’agriculture dans un contexte sociétal et géopolitique chahuté.
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Il y a les prix bas, le climat, les impasses phytosanitaires, la charge administrative… Sur cette liste non exhaustive des maux qui accablent l’agriculture, Arnaud Rousseau pourrait s’épancher longuement. Ce 27 mars, lors du 79e congrès de la FNSEA à Grenoble, le président du syndicat n’a d’ailleurs pas ménagé la ministre de l’Agriculture. « Mais le congrès a aussi vocation à nous faire prendre de la hauteur par rapport à nos problèmes quotidiens », confie-t-il. Et cette mission était notamment confiée à Pascal Boniface.
« Un moment de bascule »
Pour cet expert en géopolitique, le terme d’« affaires étrangères » n’existe plus : « Il n’y a pas d’affaire qui nous soit étrangère ; tout ce qui se passe hors de nos frontières a un impact. » Il voit dans l’époque actuelle « un moment de bascule » comme le monde en a connu deux : « Quand Gorbatchev mit fin au monde bipolaire et quand la Chine s’est engagée dans la bataille pour la suprématie mondiale. »
Aujourd’hui, il observe que « Trump met fin au concept de monde occidental. L’ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale est en train de disparaître sous [ses] coups de boutoir. » Et avec lui tout l’héritage des Nations unies… « Les États-Unis ne respectent pas le droit international mais veulent imposer leur droit national en s’autorisant à distribuer des sanctions à tous, poursuit Pascal Boniface. Et le trumpisme n’est pas une passade, c’est un mouvement structurel aux États-Unis, qui survivra à Trump. »
Ne pas sacrifier l’autonomie alimentaire de l’Europe
Et l’Europe, la France et l’agriculture dans tout ça ? « Longtemps hébergée confortablement par la puissance américaine, l’Europe est poussée à s’émanciper sur le plan stratégique », analyse l’expert, qui juge cependant que la sécurité aux frontières ne doit pas éclipser d’autres priorités : « L’autonomie alimentaire est un atout stratégique majeur. L’Europe a été construite en partie pour ça, il ne faut pas la sacrifier. » Et la France, moins écoutée en Europe qu’il y a vingt ans, « continue cependant à porter une voix singulière, observe-t-il. Le soft-power est un de ses atouts, et sa puissance agricole y contribue. »
« Sans être des marchands de peur, on veut rappeler l’importance de produire pour manger », explique encore Arnaud Rousseau. Un avis partagé par la ministre de l’Agriculture, qui clôture le congrès en déclarant : « La sécurité alimentaire est une arme de guerre ! »
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